On imagine les larmes qu'elle a essuyées lorsqu'elle a pondu ce texte. Comme elle l'explique bien, c'est elle qui a eu « l'odieux », il y a presque quatre ans, d'annoncer à Karl Tremblay le diagnostic du cancer.
« (...) tu as enchaîné les traitements entre les mains de ces soignants tous attachés à aider ce jeune et brave père que tu es. Et toi de tout affronter sans broncher, solide comme le roc.
Quand Marie-Annick m'a écrit l'été dernier pour me dire que tes médecins étaient en vacances et que tu souffrais, je me suis dit que j'essaierais du mieux que je peux de soulager et d'accompagner. Mais je dois avouer qu'à travers les chiffres issus des analyses de ton sang et les densités des images sur les écrans, je ne pouvais qu'appréhender ce qui allait suivre. A contrario, tu semblais en meilleure forme que jamais, rajeuni de dix ans avec les yeux pétillants de vie et de l'énergie à revendre. Et il n'était pas question d'arrêter la lancée des Cowboys ; le tsunami d'amour était déclenché et rien ne t'empêcherait de remonter sur scène.
(...)
Que tu as chanté anémique, souffrant, négociant le meilleur timing pour tes traitements afin de privilégier ton horaire de spectacles et de respecter ton public.
(...)
Simone et Pauline doivent savoir combien leur papa est courageux, comment il acceptait biopsies, radiothérapie et chimiothérapie sans rechigner simplement pour être là plus longtemps et les voir grandir. Et je peux témoigner t'avoir vu en traitement la veille et le lendemain de grands spectacles, recevoir une transfusion quelques heures avant un show. J'avais beau me dire que ça n'avait pas de sens, les critiques étaient toujours là pour me faire mentir, avec des élans plus dithyrambiques les uns que les autres. Oui, la scène t'aidait autant sinon plus que toute la pharmacopée oncolytique. Et aucun des artifices prescrits ne pouvait battre une rafle d'applaudissements nourris.
(...)
Et que je n'entende jamais quelqu'un dire que tu auras perdu ta bataille ou terminé ton combat ; le cancer ne fait partie d'aucune forme de guerre loyale. Et puis s'il y a quelqu'un qui perd ici ce sera elle, la maladie, celle qui, en te volant quelques décennies, suffoquera à même sa lampée. Et puis nous, qui perdons un monument, une voix, un ancrage.
Mais pas toi. Tu n'auras rien perdu. Tu auras été un fringant jusqu'au bout, un troubadour debout et fier. Tu auras, comme m'a dit ton père, toujours gardé la tête haute. »