En direct à la télévision et devant ses collègues du cinéma français, Xavier Dolan a eu la tâche difficile de rendre hommage à son grand ami qu'il a dirigé dans son film « Juste la fin du monde ».
Xavier Dolan a livré un message de 10 minutes où il s'est livré sur son amitié avec Gaspard. Il a décidé de le faire sous forme d'une lettre.
« Madame,
Je vous adresse cette lettre, sans même vous connaître, sans bien vous connaître. [] Je savais, en venant chercher l'isolement que j'allais commencer à penser et à écrire sur Gaspard. J'avais déjà auparavant écrit pour Gaspard, j'avais déjà écrit à Gaspard, mais je n'avais pas écrit sur Gaspard, et croyez bien que je n'avais aucune intention de le faire, dit-il la voix pleine de larmes.
Le jour de sa mort, j'ai revu, à la recherche de sa compagnie, plusieurs de ses films, dont « Un long dimanche de fiançailles ». L'espoir de Mathilde de retrouver Manech [] s'opposait à mon chagrin : elle allait le retrouver. Peut-être avais-je, intentionnellement, décidé que ce film confirmerait les choses que je refuse encore de voir, de croire.
Mais je ne suis pas venu ici parler étonnement de la carrière de Gaspard Ulliel. Je pourrais dresser la liste d'exploits et de faits d'armes brillants. De passages étoilés parmi les stars de la Riviera. D'industrie, de campagne. Mais quel effet lignifiant pourrait bien avoir ces choses-là sur la plaie béante de son départ.
Je n'ai pu m'empêcher de songer qu'il aurait détesté ce type d'éloge. Il aurait perçu, je pense, dans cette glorification, un manque d'élégance et il était très élégant. Sa carrière s'affiche d'elle-même à travers les sites qui le chantent, les articles qui le louangent et tous les rôles qui lui survivent. Son talent nous le possédons encore et ça, personne ne pourra nous l'enlever. C'est tout un monde qui a pleuré Gaspard, c'est tout un monde qui le pleure encore.
À 16 ou à 17 ans, j'avais écrit un premier scénario. Dans ce film qui s'appelait « les ailes roses » un ange apparaissait à un jeune homme et le guidait vers la lumière. Je l'avais écrit, je vous le donne en mille, pour Gaspard. Ça ne s'était jamais rendu à lui, du moins je ne pense pas. J'avais également écrit un autre rôle pour lui, plus tard, et ça n'avait pas marché là non plus. Des années plus tard, je lui demandais d'être Louis dans l'adaptation de « Juste la fin du monde », explique Xavier Dolan, en craquant et en s'excusant de sa tristesse.
Gaspard était souvent celui qui écoute et qui ne parle pas. On a parlé souvent de sa discrétion ou de sa douceur, du mystère qu'il ne cultivait pas de son propre aveu intentionnellement. Mais on a peu parlé de son éloquence.
J'ai choisi de vous adresser cette lettre, madame, parce que je ne savais pas autrement qu'en vous disant que je l'admirais et l'aimais, je ne savais pas comment lui rendre un véritable hommage. Sa famille, c'est à vous qu'il me semblait naturel d'écrire ce soir, à vous que j'ai tout de suite pensé ce matin-là, car l'amour d'une mère mets plus fort que tout, je le crois plus fort que la mort. »